De Las Palmas de Gran Canaria

Après Tanger, nous avons suivi la côte marocaine dans un sympathique cabotage. Nous avons réalisé notre première grande traversée avec Oreo (quatre jours !) d'El Jadida au Maroc à Graciosa, première île au nord-est de l'Archipel des Canaries. D'une île à l'autre (Graciosa, Lanzarote, Furtaventura, Gran Canaria), nous sommes arrivés au mouillage de Las Palmas de Gran Canaria où de nombreux navigateurs finissent d'océaniser leur voilier pour la grande traversée vers les Caraïbes. Nous faisons de même en espérant pouvoir reprendre la route assez tôt pour profiter aussi des îles du Cap Vert avant de rejoindre Salvador de Bahia.

Un petit texte sur la vie en mer.

Histoire de l'Océan

Vent heureux.

El Jadida, Maroc.

Les coffres garnis de dattes, d'épices, de musiques, de fruits frais et de poissons.

Le môle est peuplée d'enfants et d'adolescents.

Dernières paroles lancées au voilier de la terre qui s'éloigne :

- Vous êtes d'où ?

- De Marseille.

- Ah ! Marseille, la Vierge de la Garde !!!

Devant nous, quatre jours d'océan.

Les yeux sur l'étendue circulaire, l'esprit au Maroc, la pensée avec Marguerite Yourcenar, faire le tour de sa prison avant de quitter vraiment.

Roulis. Roulis.

Lune rousse sur l'horizon nocturne.

Chaque vie aperçue est un événement :

Silhouette massive de navires, mouettes au ras des embruns, dauphins un instant à l'étrave.

Courir au-delà du vertige de l'immensité océane :

Lire, passer du désert sans limite au fourmillement intérieur de l'imaginaire.

Tour de veille,

Préserver l'énergie vitale,

Le vent pourrait forcir.

Météo marine en temps universel :

Radio,

Echos inattendus de la fureur du Monde.

Respirer.

Deux humains, en toute confiance avec un voilier, scrutant le mouvement des éléments : teintes du ciel, rythme de la houle, variations du vent.

Deux humains, quelques mots, exister.

S'offrir à l'Océan.

Mouvement. Mouvement. Mouvement.

Mouvement briseur de sommeil.

Aube du quatrième jour :

Une terre posée sur l'horizon,

Une île au mouillage possible.

Ancrer.

.

Évoquer l'immobilité du sol.

Dormir vraiment.

Descendre à terre.

Se hisser au-dessus de l'eau,

Atteindre le sommet d'un cône volcanique érodé.

Caresser des yeux le mouillage, embrasser l'île.

Observer le Nord, la route sillonnée.

Méditer vers l'Ouest.

Redevenir un terrien, être social.

Garder au creux de soi l'accord fragile avec l'Océan.

Résister aux craintes et aux doutes.

Mer à parcourir, mer franchie.

Jeux aléatoires de la séduction océane :

Rentrer dans l'enchantement, prudemment.

Bonne route à tous et bon vent aux marins.

François et François

Marseille, 7 avril 2004